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Education et formation

Développement de l'estime de soi et réussite scolaire

L’estime de soi constitue, depuis la fin du dix-neuvième siècle, un des plus anciens domaines de la recherche en psychologie. Toutes les conceptions théoriques du développement admettent que la valorisation de soi, le besoin de s’estimer soi-même est un élément fondamental tout au long de la vie. Composante essentielle de la construction identitaire, l’estime de soi donne à l’identité personnelle sa tonalité affective et à ce titre elle apparaît comme un fondement de l’image de soi.

L’estime de soi désigne l’ensemble des attitudes et des sentiments que le sujet éprouve à l’égard de lui-même et qui l’orientent dans ses réactions comme dans ses conduites organisées. Elle est généralement définie comme le processus par lequel un individu porte sur lui-même, sur ses performances, ses capacités et ses attributs, des jugements positifs ou négatifs. L’origine de l’estime de soi est à rechercher très tôt au cours du développement. Certaines études ont mis en évidence que la qualité de la relation primitive à la mère (ou à ses substituts) est déterminante dans le développement d’un sentiment de confiance de base qui désigne une attitude foncière à l’égard de soi-même et du monde. Cependant, au cours du développement, les personnages significatifs dont le regard est si déterminant pour l’estime de soi, vont se déplacer des parents aux enseignants, puis aux pairs et enfin à d’autres modèles de rôles. L’estime de soi oriente la prise de conscience et la connaissance de soi, par l’appréciation positive ou négative que le sujet porte sur lui-même, en comparaison avec autrui. Son influence ne se limite pas seulement aux réactions sur le moment mais contribue à orienter les décisions et l’investissement pour l’action future en motivant ou en démobilisant la personne.

Par ailleurs, la diversité des expériences de vie affecte tel ou tel aspect de la personne, ce qui se traduit par le caractère multidimensionnel de l’estime de soi qui a d’ailleurs longtemps été négligé au profit de la dimension globale. Cette tendance s’est progressivement inversée, amenant les chercheurs à analyser la relation entre les dimensions spécifiques du soi et le soi global. Aujourd’hui, il est classique de distinguer chez les enfants préscolaires et scolaires (de 4 à 12 ans), six domaines principaux: l’école, le social, le «physique» (qui se réfère particulièrement aux compétences sportives), l’apparence physique, la conduite et le sentiment de valeur propre (Harter, 1998; Pierrehumbert, 1992). Chez les adolescents, en raison du développement de la capacité à élaborer des projets d’avenir, le soi futur est également appréhendé à côté des soi émotionnel, social, scolaire, physique et global.


L’importance du soutien social

Ce soutien social s’exerce grâce au dialogue et à l’écoute, mais sans tomber dans une attitude intrusive, surprotectrice, qui rendraient l’enfant trop dépendant des autres (au moins sur le plan émotionnel et dans sa capacité à affronter les obstacles, les imprévus). En fait, pour tout éducateur il est important de garder en mémoire la recherche d’une attitude instaurant un équilibre entre la «sécurité» (montrer à l’enfant qu’on l’aime) et la «loi» (lui rappeler les règles incontournables). Ce qui est déstabilisant pour l’enfant, et donc source de remise en question de sa valeur, ce sont des réactions éducatives incompréhensibles et imprévisibles pour lui, car dans ces cas, il n’arrive pas à trouver dans ses relations un minimum de stabilité et de reconnaissance, source d’assurance et de confiance en soi. C’est donc tout d’abord une qualité d’éducation globale qui est à la base du développement de l’estime de soi et qui, par voie de conséquence, est le meilleur prédicteur de réussite scolaire. Une réussite à long terme et pas seulement une manifestation momentanée et localisée à un domaine spécifique d’excellence. Du côté parental, pour favoriser la réussite scolaire de son enfant tout en suscitant le développement de sa propre estime, l’aide scolaire directe et régulière n’est pas le moyen le plus essentiel, il est encore plus fondamental que les parents adoptent des attitudes éducatives globales qui tendent à responsabiliser l’enfant au-delà de la sphère scolaire. Pour cela, il s’agit d’écouter son enfant, de l’encourager à exprimer ses opinions et à argumenter ses prises de position, de lui demander son avis et d’en tenir compte dans des domaines où il peut s’impliquer (les loisirs, la manière de gérer son temps extrascolaire, son argent de poche...). Mais cette dynamique éducative parentale est également valable et applicable à l’école.


Une bonne estime de soi fait-elle un bon élève?

Il est fréquent d’observer un lien entre une estime de soi élevée et de bons résultats scolaires: un élève confiant en lui se sent souvent capable de réussir et réussit. Mais, peut-on pour autant affirmer que les élèves en difficulté scolaire manifestent une faible estime de soi? Autour de cette question se sont développées de fortes controverses. L’estime de soi influence-t-elle les résultats scolaires? Ou bien à l’inverse, les performances scolaires orientent-elles l’estime de soi? Une troisième perspective, plus intégrative, souligne la dynamique et les interrelations réciproques entre ces deux dimensions: de bons résultats scolaires peuvent renforcer positivement l’estime de soi, tout comme une faible estime de soi peut empêcher un élève d’investir la scolarité puisqu’il se croit voué à l’échec. La valorisation de soi et l’adaptation dans le domaine scolaire vont traduire l’appropriation par l’enfant de ce système de savoirs, de valeurs et de normes. À l’opposé, les répercussions d’une estime de soi négative laissent supposer une diminution de la motivation dans le travail. De façon générale, l’estime de soi de l’élève peut ainsi contribuer par là même à valoriser ou diminuer ses aspirations, ses projets et même ses compétences.

Cependant, des caractéristiques psychologiques telles que l’âge, l’identité sexuée (fille ou garçon), le statut social et culturel, etc. viennent transformer ces évaluations de soi. D’une part, il apparaît une dépréciation plus importante des filles par rapport aux garçons, et d’autre part, l’appréciation de soi varie avec l’âge: les jeunes enfants (du préscolaire) se survalorisent, ils deviennent ensuite un peu plus «réalistes»; les pré-adolescents (13 ans) et les adolescents les plus «âgés» (19/20 ans) présentent une meilleure estime d’eux-mêmes alors que les 15/18 ans se déprécient fortement. Il est vrai que cette période de profonds remaniements ne va pas sans des déstabilisations!

Les élèves en échec scolaire ne se dévalorisent que de façon sélective (dans le domaine des compétences intellectuelles et/ou scolaires). Ils peuvent «compenser» en s’estimant sur le plan physique, c’est d’ailleurs fréquemment le cas chez les garçons. Cependant, les élèves fréquentant le «cursus spécialisé» (réservé à ceux qui sont en grande difficulté), se dévalorisent moins au plan scolaire que les élèves ayant redoublé. Tout se passe comme si, dans les classes spéciales, les élèves se trouvaient en quelque sorte soulagés de la pression compétitive qui existe à l’intérieur de la classe «ordinaire». En même temps, les enseignants spécialisés de ces classes intègrent aussi davantage les caractéristiques scolaires de ces groupes et adoptent d’autres attitudes pédagogiques et d’autres attentes de rendement. Le contexte institutionnel de l’école exerce donc un rôle au niveau du vécu des difficultés scolaires et peut permettre de réaménager des aspects de sa personnalité.

Pour résumer, on se souviendra que l’estime de soi est une dimension essentielle de la personnalité, qu’elle entretient des rapports complexes, évolutifs et parfois paradoxaux avec le domaine des conduites effectives de la personne. Son développement est fortement tributaire de la «qualité» des contextes de vie (des contextes éducatifs familiaux et scolaires pour les jeunes), de la qualité des interactions et des communications que la personne arrivera à engager dans ses différents milieux de vie et de l’appréciation qu’elle portera sur ses réussites, ses difficultés et ses «échecs».